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Andragogie et pédagogie de l’enseignement supérieur, Le débat autour de la terminologie ‘pédagogie universitaire’ ou ‘pédagogie de l’enseignement supérieur’ versus andragogie ou didactique universitaire n’a pas trouvé de réponse claire et définitive, les deux champs étant souvent liés, encore plus dans le domaine de hautes écoles spécialisées professionnalisantes. Il est toutefois communément admis dans la littérature que l’on parle de pédagogie universitaire lorsqu’il s’agit des stratégies d’enseignement à l’intention de l’apprentissage des étudiant.e.s et de didactique ou andragogie universitaire lorsqu’il s’agit de la formation d’adultes en emploi. Dans cet épisode Lolita Loureiro, référente PMO en organisation et agilité aux HUGformatrice aux hôpitaux universitaires genevois, revient sur quelques interrogations partagées par des apprenant-e-s en formation des adultes telles que l’impact des modalités mobilisées dans les approches hybrides, la dichotomie perçue entre le présentiel et le distanciel, la notion de formateur augmenté ou encore le principe de scénarisation par grain pédagogique. Elle précise que, s’il n’y pas de recette magique en formation, l’alignement, les interactions et les modèles de transformation hybrides sont des jalons primordiaux lors de design pédagogique.

 

Enseignement supérieur, le champ de l’andragogie

Malcolm Knowles (1913-1997) est considéré comme le père fondateur du champ de l’éducation des adultes. L’étude des caractéristiques de l’adulte-apprenant débute timidement après la première guerre mondiale et ce n’est que dans la seconde moitié du 20e que l’apprentissage chez l’adulte se constitue en champ d’étude scientifique. L’approche est plus interdisciplinaire dans un souci de formuler un cadre conceptuel intégré susceptible d’embrasser les spécificités de l’adulte-apprenant et les effets du champ social. Le résultat est l’émergence du champ de l’andragogie soit, selon Knowles, « l’art et la science d’aider les adultes à apprendre », qui se distingue de la pédagogie qui est défini comme « l’art et la science d’enseigner à des enfants » (Knowles, 1998). On notera au passage le changement de perspective entre la définition de la pédagogie et celle de l’andragogie : dans la première il est question d’enseigner alors que dans la seconde on entend « aider à apprendre ».

Les spécificités de l’adulte-apprenant

Le modèle andragogique élaboré par Knowles comprend six principes qui ont évolué au cours du temps en fonction de ses recherches et observations. Nous développons, ci-dessous, le modèle présenté en 1998 dans la cinquième édition du livre phare de Malcolm Knowles, The Adult Learner.

1) Le besoin de savoir – Beaucoup plus que les enfants et les adolescents, les adultes ont besoin de savoir pourquoi ils doivent apprendre quelque chose avant de s’engager. Les adultes considèrent longuement les bénéfices d’un apprentissage tout comme les coûts s’ils ne devaient pas apprendre. Ils demandent à expliciter leur besoin de formation et à pouvoir identifier les compétences qu’ils vont acquérir et leurs effets sur le plan personnel et professionnel. Ce préalable à tout apprentissage est une condition pour un engagement responsable de la part de l’adulte. Il implique une négociation entre le formateur et l’adulte-apprenant quant au parcours proposé : les finalités, les buts et les étapes et les modalités pour les atteindre.

2) La conscience de soi – Les adultes développent généralement une conscience de soi qui les amène à reconnaître qu’ils sont responsables de leurs décisions et de leur vie. Il en résulte qu’il est important qu’ils soient reconnus comment étant responsables et les seuls protagonistes de leur développement. En conséquence, ils résistent fortement à toute situation où ils ont l’impression que l’on leur impose un point de vue ou une direction. L’adulte se distingue de l’adolescent par le fait qu’il s’affranchit de l’autorité externe (la famille, l’école, etc.) pour s’engager dans un processus auto-dirigé qui l’amène à construire un système personnel de croyances et valeurs. Cette conscience de soi s’appuie sur la confiance en soi, l’estime de soi et l’identité personnelle, trois composantes interdépendantes qui évoluent tout au long de la vie au gré des expériences et des formations.

3) Le rôle de l’expérience – Les adultes disposent d’une expérience quantitativement et qualitativement plus importante que les adolescents. L’apprentissage des adultes tire profit de la diversité des expériences antérieures présentes ; le modèle andragogique fait de l’expérience un levier de développement en puisant dans le répertoire des expériences vécues pour établir des liens entre la théorie et la pratique. Le tissage théorie-pratique tout comme le partage des expériences visent à induire un changement conceptuel de sorte à remettre en question les croyances et valeurs construites précédemment et à favoriser un basculement vers de nouvelles conceptions enrichies par les apports théoriques comme par les expériences des autres.

4) L’engagement à apprendre – Les adultes s’engagent à apprendre quand ils se sentent prêts et quand ils estiment que le travail demandé est à leur portée. Ils doivent pouvoir voir les retombées potentielles pour eux. Les apprentissages proposés doivent représenter un défi, un étirement au-delà des capacités initiales, sans représenter pour autant un objectif inatteignable. L’adulte a besoin de maîtriser l’étape précédente avant de passer à la suivante.

5) L’orientation à apprendre – Les apprentissages des adultes sont ancrés dans des situations de la vie réelle alors que chez les adolescents ils sont liés à la matière d’enseignement. Pour les adultes, l’apprentissage s’exprime en termes de compétences (et non de contenus) pour agir professionnellement de manière plus efficace ou pour gérer des situations complexes. Ils apprennent mieux quand les éléments sont présentés en fonction de leur application à des situations réelles. Les liens entre les apprentissages et la réalité vécue devraient être constamment soulignés appuyant ainsi le transfert entre les contenus de formation et les compétences développées.

6) La motivation – Les adultes sont beaucoup plus réceptifs à la motivation interne qu’à la motivation externe. Ils puisent en eux l’énergie pour se former et se transformer. La pression interne liée à l’estime de soi, la qualité de la vie, l’augmentation des satisfactions personnelles agit comme levier de développement. Le modèle andragogique postule que l’adulte est intrinsèquement motivé à se développer et à croître. Il existe cependant des barrières au développement personnel : une mauvaise estime de soi, des expériences négatives de formation, des contraintes sociales et institutionnelles qui limitent l’accès aux ressources.

Source: Pédagogie de l’enseignement supérieur, repères théoriques et applications pratiques (2013) chapitre 2: Comment enseigner à des étudiants adultes

Pour aller plus loin:

Référence de l’ouvrage mentionné dans cet épisode : https://www.slatkine.com/fr/editions-slatkine/75533-book-07211155-9782832111550.html

The Adult Learning Theory – Andragogy – of Malcolm Knowles

De Corte, E. (2010). Les conceptions de l’apprentissage au fil des temps. Dans OCDE, Comment apprend-on ? La recherche au service de la pratique. Paris : Editions OCDE. Repéré à : http://dx.doi.org/10.1787/9789264086944-fr

Knowles, M. S. (1998). The Adult learner. The definitive classic in adult education and human resource development. 5ème édition. Houston, TX: Gulf Publishing Company.

Kolb, D. A. (1984). Experiential learning: experience as a source of learning and development. Englewood Cliffs, NJ: Prentice-Hall.